Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu'il n'y a point d'effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.(…)
Pangloss disait quelquefois à Candide : " Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition, si vous n'aviez pas couru l'Amérique à pied, si vous n'aviez pas donné un bon coup d'épée au baron, si vous n'aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.

Voltaire "Candide ou l'optimisme." 1759

L'hiver au coin du feu, est propice aux métacosmothéologies. Mais le réveil printanier, malgré les ondées ou grâce à elles, me fait ressortir, comme l'escargot de sa coquille, les pieds et les antennes à l'air dans mon herbette.

Chaque jour un peu moins naïve, mais persévérant à rester candide et chérir le côté Lumineux de la Force, je ne peux me passer ni de mon herbe, ni de mon arbre, atteinte comme je le suis, d'urbanophobie chronique. Et tel ce fameux Bélier de Descartes, avec sa conjonction Soleil/Pluton entre autres, j'ai un vieux doute, à observer le monde dans tous ces niveaux de "réalité", quant à sa perfection actuelle (du moins au niveau de l'être humain). Mais il est vrai qu'au plus profond de mon doute, à force de douter, de mon propre doute, j'en arrive à l'intuition métapsychophysique, tout en me passant de l'hypothèse "Dieu", que, de façon synchronistique et sacrément mystérieuse, mon jardin commence à ressembler à l'image ci-dessus, moyennant un très long travail de lâcher prise pacifique et d'abandon des high tech létales. Le plus gros du travail étant d'avoir confiance en la Nature, surtout quand une armée de taupes vous met le terrain à la Verdun…

Après moult actes de vandalisme et vol à l'étalage de Dame Nature, mais avec ma profonde gratitude, cistes, thym, lavande, pâquerettes, coquelicots et de toutes petites fleurs merveilleuses apparues naturellement (qui "surgissent" lorsqu'on regarde où on pose les pieds); commencent à sympathiser entre elles et créer un très agréable micro environnement dans mon jardin; dont l'apothéose en été, est l'arrivée multicolore d'une multitude de papillons et d'insectes volants non (scientifiquement) identifiés. J'ai même parfois, la visite phosphorescente de quelques vers luisants le soir… après le digestif, dans mon hamac, entre le noyer et la terrasse, pendant que tout ce petit monde chante à qui mieux mieux ses vêpres. Je réserve quelques plantes "exotiques" achetées en pépinière pour cette terrasse, car depuis qu'on m'a repeint les volets en bleu "pétant", je me console avec une ambiance latino qui m'économise le voyage et s'associe assez bien avec le reste du jardin. Mais toute cette entreprise est d'une délicatesse insoupçonnée. Certaines plantes de la nature sont difficile à replanter. Je désespère pour les orchidées pyramidales, tant pis… et puis j'en ai encore à apprendre et puis je laisse faire la vie. Parce que finalement, les taupes ont fait un bon ménage et je n'aurais pas fait mieux…

Alors fini la tondeuse et bienvenue à la folle avoine, la mauve et les coquelicots. Ces derniers se font de plus en plus rares dans les champs de blé arrosés aux herbicides. La Nature a ses raisons que certains hommes ignorent ou méprisent…

Et pourtant…

"L'idée n'est pas nouvelle, elle a été émise déjà par divers évolutionnistes pour lesquels l'important c'est le génome et non pas les individus. Mais on peut, sans trop d'inconvénient en faisant tout juste appel aux métaphores, admettre que le génome est un seul être très ancien, qu'il est la seule réalité alors que les individus ne sont qu'une illusion fugitive, qu'il est doué d'une certaine mémoire et qu'il explicite automatiquement les mécanismes dont il est porteur dès que l'occasion se présente… Mais il nous faudrait quelque chose de plus, un saut qualitatif : en plus de sa mémoire il lui faudrait encore une fois percevoir le monde extérieur; il faudrait qu'il ne soit pas seulement capable d'action, mais d'une perception, d'une combinaison informée par la perception. Voilà ce que la raison ou le rêve exigeraient…

Cela paraît absurde ? Mais c'est ce qui se déroule au-dedans de nous-mêmes. Considérons notre situation dans le monde : elle est totalement énigmatique. Qu'est-ce que ce corps que nous ne connaissons pas , dont nous ignorons les rouages ? D'où vient que nous puissions agir sur lui et par lui agir sur le monde, en ignorant tout des mécanismes que nous mettons en œuvre ? Pour agir, la nature nous dit qu'il n'est pas besoin de savoir comment mettre en branle les rouages de l'action : il suffit de vouloir, et le corps matériel ou la matière en général se met aux ordres aussitôt.

A la rigueur, le génome pourrait donc vouloir sans avoir besoin de combinatoire : nous le faisons bien, et nous sommes la nature nous aussi. Mais reste la perception. Comment le génome aurait-il vu dans l'avenir ou dans le présent, le Gorytes avec la manière de s'en servir ? Il y a bien une hypothèse, mais elle est fort audacieuse, pas plus cependant que celle des physiciens des quantas… Pour comprendre l'orchidée et son Gorytes, ce qui nous gêne, c'est le temps découpé en passé, présent et avenir. Or il n'est rien de tel suivant les physiciens : c'est un continuum le long duquel à la rigueur on pourrait le déplacer. Si nous disions que c'est l'orchidée de maintenant, assistée du Gorytes, qui a influencé le phylum du passé pour qu'il lui permette de réaliser ce qu'elle a déjà fait ?
Qu'imaginer d'autre ? Bien entendu, on peut revenir au bon vieux darwinisme et essayer de l'améliorer ? Il y aurait donc des orchidées imparfaites qui arrivent tant bien que mal et assez rarement à se féconder (cela peut se produire en effet). Un jour un Gorytes, n'ayant rien de mieux à faire, pénètre dans la corolle. La fécondation est bien meilleure et donne plus de descendants. Ici s'arrête, nous l'avons vu, ce que nous avons le droit de supposer. Comment peuvent alors se former les perfectionnements ultérieurs qui font que la fleur ressemble de plus en plus à un insecte et qu'elle finit par prendre l'odeur de la femelle de Gorytes ? La sélection naturelle y pourvoit ? Nous venons de voir que cette assertion est dépourvue de sens logique . Alors ? La "découverte" est perçue (par qui ? par quel organe ?). Et qu'est-ce qui est perçu ? L'insecte, le plus grand nombre de graines fécondées ? Les deux à la fois, mais l'insecte ne peut être perçu que par la corolle : elle doit donc renfermer des sortes de capteurs sensoriels (ils sont fréquents chez les végétaux : voyez la drosera, les réactions nerveuses de la sensitive) qu'il faudrait rechercher. La transmission est faite au génome qui "veut" revoir le Gorytes : et la programmatique en prend les moyens.

Ce que fait le couple orchidée-Gorytes nous étonne parce qu'il s'agit d'une interaction entre deux règnes très différents. Mais ce type de phénomènes est très fréquent chez les animaux : papillons qui imitent le substrat d'une manière stupéfiante "pour" mieux échapper à leurs prédateurs; baudroie qui agite un petit filament terminé par un lambeau de chair ressemblant à un ver "pour" attirer les petits poissons, etc. Les exemples sont absolument innombrables.

A côté de notre intelligence concentrée, il en existe donc une autre diffuse, à demi consciente ou inconsciente sans doute, très lente (il lui faut des milliers ou peut-être des millions d'années pour agir), douée d'organes des sens (à découvrir) d'une mémoire (on sait que le génome est la mémoire héréditaire) et d'une intelligence (qui ne peut se trouver elle aussi que dans le génome).

Ou bien nous l'acceptons ou bien il nous faut recourir à un démiurge. Il n'y a pas d'autre solution. Mais si nous l'acceptons cela pourrait nous inspirer des expériences, ce qui est le but final de la science. Nous n'avons jamais cherché à communiquer avec les plantes parce que nous les croyons complètement insensibles. Si nous changions d'attitude elles en changeraient peut-être aussi : je n'en veux pour preuve que des faits dont l'un au moins confine à la superstition, mais sait-on jamais ? C'est la légende des "doigts verts" de certains jardiniers qui font pousser tout ce qu'ils veulent, d'abord; ensuite c'est l'histoire du fameux jardin de Findhorn, où dans les conditions climatiques déplorables du nord de l'Ecosse et dans un terrain pauvre, une poignée d'illuminés fait pousser un jardin fantastique. On peut y joindre les expériences (à refaire) qui consistent à essayer par la pensée d'influencer des végétaux." Rémy Chauvin

La Nature est un Mystère sur lequel bien peu se penchent avec vénération…

"Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles."

Mais qu'elle est donc la place de l'Homme dans ce merveilleux monde qui lui a été offert ?

"La biologie de l'esprit" Quand un biologiste, en observant le comportement génial des animaux, découvre que l'esprit régit la matière. Rémy Chauvin Ed Le Rocher 1985 1990