"Le Bonheur : Je vois bien que tu ne sais rien... Je suis le chef des Bonheurs-de-ta-maison ; et ceux-ci sont les autres Bonheurs qui l'habitent...

Tyltyl : Il y a donc des Bonheurs à la maison ?...

Le Bonheur : Vous l'avez entendu !... S'il y a des Bonheurs dans ta maison... Mais, petit malheureux, elle en est pleine à faire sauter les portes et les fenêtres !...

Nous rions, nous chantons, nous créons de la joie à refouler les murs, à soulever les toits mais, nous avons beau faire, tu ne vois rien, tu n'entends rien...
J'espère qu'à l'avenir tu seras un peu plus raisonnable... En attendant, tu vas serrer la main aux plus notables...

Une fois rentré chez toi, tu les reconnaîtras ainsi plus facilement... Et puis, à la fin d'un beau jour, tu sauras les encourager d'un sourire, les remercier d'un mot aimable, car ils font vraiment tout ce qu'ils peuvent pour te rendre la vie légère et délicieuse...

Moi d'abord, ton serviteur, le Bonheur-de-se-bien-porter... Je ne suis pas le plus joli, mais le plus sérieux. Tu me reconnaîtras ? ...

Voici le Bonheur-de-l'air-pur qui est à peu près transparent...

Voici le Bonheur-d'aimer-ses-parents, qui est vêtu de gris et toujours un peu triste, parce qu'on ne le regarde jamais...

Voici le Bonheur-du-ciel-bleu, qui est naturellement vêtu de bleu et le Bonheur-de-la-forêt qui, non moins, naturellement, est habillé de vert, et que tu verras chaque fois que tu te mettras à la fenêtre...

Voici encore le Bonheur-des-heures-de-soleil qui est couleur diamant, et celui du printemps qui est d'émeraude folle..."


Maurice Maeterlinck